Il était une fois Cheikh Anta Diop, Restaurateur de la conscience noir

Il était une fois Cheikh Anta Diop, Restaurateur de la conscience noir

Cheikh Anta Diop, né le 29 décembre 1923 à Thieytou et mort le 7 février 1986 à Dakar, est un scientifique de formation, historien[, anthropologue, homme politique sénégalais. Il s'est attaché, sa vie durant, à montrer l'apport de l'Afrique et en particulier de l'Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales.

 



Ses livres Nations nègres et culture (1955), puis Civilisation ou Barbarie (1981), affirment la primauté civilisationnelle africaine.

Cheikh Anta Diop a été un précurseur dans sa volonté d'écrire l'histoire africaine précédant la colonisation. Il est également l'un des premiers scientifiques africains à faire une application archéologique du carbone 14 en laboratoire dès 1963 [réf. nécessaire]. La plupart de ses théories sont démenties par la recherche moderne.

Intellectuel et humaniste sénégalais disparu en 1986, Cheikh Anta Diop fut l’homme de l’intégrité morale et du refus des compromissions. Dans un contexte de marginalisation accélérée du continent, ses travaux, qui marquèrent le retour de la conscience historique de l’Afrique, appellent à la permanence du combat contre les racismes sous toutes leurs forme.

 

« L’Égypte pharaonique est une civilisation africaine, élaborée en Afrique par des Africains » : ce qui semble aujourd’hui évident – sauf, peut-être, pour Nicolas Sarkozy et ses nègres – a longtemps été passé sous silence, voire ouvertement nié par l’égyptologie développée dans les laboratoires européens. Nous devons au scientifique, historien, anthropologue et homme politique Cheikh Anta Diop d’avoir rendu à l’Afrique ce qui appartient à l’Afrique.

 

Le chercheur provoque le scandale dans les milieux universitaires en publiant, en 1954, Nations nègres et culture, la thèse de doctorat pour laquelle il n’avait pu réunir un jury à la Sorbonne trois ans auparavant, par manque d’intérêt des professeurs.

 

Son chapitre « Origine des anciens Égyptiens », qui ouvrait le tome II de l’Histoire générale de l’Afrique (éditée en 1984 par l’Unesco et Jeune Afrique deux ans avant sa mort, à Dakar, le 7 février 1986), résumait ses dernières conclusions.

 

S’appuyant sur des sources européennes antiques et contemporaines, sur l’iconographie pharaonique, sur la linguistique, invoquant aussi la craniométrie, l’étude des groupes sanguins et de la pigmentation épidermique, Anta Diop affirme que « le fonds de la population égyptienne était nègre à l’époque prédynastique » et qu’il en était de même à la période dynastique (celle des pharaons), où, « partout où le type racial autochtone est rendu avec un tant soit peu de netteté, il apparaît négroïde ».

 

« Les traits typiquement négroïdes des pharaons Narmer, Ière dynastie, le fondateur même de la lignée des pharaons, Djéser, IIIe dynastie (avec lui tous les éléments technologiques de la civilisation égyptienne étaient déjà en place), Khéops, le constructeur même de la grande pyramide (de type camerounais) […], montrent que toutes les classes de la société égyptienne appartenaient à la même race noire », souligne-t-il.

 

L’Égypte, matrice des cultures africaines

 

Pour le scientifique, formé en physique et en chimie, la vallée du Nil fut non seulement le creuset d’où un peuple noir tira la civilisation qui brilla sur le monde pendant trois millénaires, mais aussi la matrice des structures sociales, dynastiques et rituelles des cultures africaines postérieures. En témoignent, selon Diop, de nombreuses parentés linguistiques et coutumières.

 

« Quand on a découvert que l’Égypte avait une préhistoire, les égyptologues sont allés chercher ses sources dans les grandes civilisations mésopotamiennes, encore convaincus que la Lumière ne pouvait venir que de l’Orient. Cette théorie a prévalu jusque dans les années 1960 », reconnaît Béatrix Midant-Reynes, spécialiste de la préhistoire égyptienne et directrice de recherche émérite au CNRS.

 

SOURCE : JEUNE D'AFRIQUE

 

Ignorance et mépris

En 1908, alors que l’expansion coloniale s’accélère, le manuel Hachette des classes de 6e enseigne ainsi : « On discute beaucoup de l’origine des Égyptiens. Les égyptologues les plus compétents, M. Maspéro en particulier, les tiennent pour un peuple de sang mêlé mais où domine le sang sémitique, c’est-à-dire le sang des descendants de Sem, fils de Noé. Les Égyptiens seraient donc venus d’Asie alors que les Grecs les croyaient venus d’Afrique, des pays du Sud et de l’Éthiopie ».

En 1954, Diop ramène sur le devant de la scène égyptologique ces témoignages d’époque, d’ « occidentaux », qui, d’Hérodote à Strabon, mentionnent la peau noire et l’ascendance africaine des anciens Égyptiens. « L’apport de Cheikh Anta Diop est d’avoir jeté un pavé dans la mare et forcé les milieux scientifiques à considérer cette question avec plus d’attention, ne serait-ce que pour tenter de la contredire, poursuit la paléontologue. Aujourd’hui, personne ne nie la très forte influence africaine sur la constitution de la civilisation égyptienne, ni son peuplement ancien depuis la ceinture subsaharienne, au moment de la remontée des moussons vers le Nord, aux environs de 10 000 avant notre ère. Mais il faut relativiser et tenir également compte du rôle important qu’ont joué les cultures du Néguev et du delta du Nil tournées vers le Levant ».

En 1960, la Sorbonne finit par octroyer à Cheikh Anta Diop le doctorat pour la thèse qu’il n’avait pu lui soumettre une décennie plus tôt. Il n’empêche, le monde académique, occidental comme égyptien, l’a longtemps traité par l’ignorance, et parfois par le mépris. Martin Bernal, professeur d’histoire à l’université américaine de Cornell, relance le débat dans les années 1990 avec le premier des trois tomes de Black Athena : les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, paru en 1987, un an après la mort de Diop. Pour son auteur, la civilisation grecque, considérée comme étant à l’origine de la civilisation occidentale, est le fruit d’une période de colonisation égyptienne et phénicienne, c’est-à-dire afro-asiatique. Dans la lignée de Diop et de Said, Bernal dénonce « l’appropriation, par l’Occident, de la culture du Proche-Orient antique pour servir son propre projet ».

« Son travail est en effet un travail de thèse, réplique l’historien béninois panafricaniste Amzat Boukari-Yabara, mais l’auteur s’appuie sur des sources largement occidentales, antiques et modernes, ainsi que sur la linguistique et l’ethnologie. Or les universitaires français persistent dans leur obsession à vouloir retirer sa scientificité à Cheikh Anta Diop et à se concentrer précisément sur l’Égypte, alors qu’il a traité de nombreux autres sujets. »

 

Mélanine et groupes sanguins

 

Les progrès exponentiels des technologies, notamment dans le domaine de la génétique, permettront-ils de trancher définitivement le débat des origines et de l’apparence physique des anciens Égyptiens ? Dans son chapitre de l’Histoire générale de l’Afrique, Diop réclamait une analyse poussée des grains de mélanine et des groupes sanguins des momies qui, pour lui, confirmerait une ascendance et une apparence négroïdes subsahariennes. En 1985, un an après la parution de cet ouvrage, un chercheur parvenait à étudier l’ADN d’un enfant égyptien momifié. Il a cependant fallu des années de progrès pour que la paléogénétique puisse se développer, dans les années 2010. Les premières découvertes de cette nouvelle discipline ont parfois contredit – et parfois confirmé – les conclusions de Cheikh Anta Diop.

 

L’exploration des origines de l’humanité ne fait que débuter et n’a pas fini de surprendre, à l’École de Dakar comme au Collège de France. « L’Égypte n’appartient qu’à elle-même, mais elle s’est constituée sur le sol africain, par des peuples d’Afrique. Et toute sa partie sud, aux portes du Soudan, a été, pendant des millénaires, sa région la plus dynamique, le berceau de sa construction idéologique et de sa monarchie. Pour nous c’est une évidence, peut-être faut-il davantage le dire au grand public », conclut la préhistorienne française. En commençant par les écoles, où les plus jeunes éprouvent toujours une véritable fascination pour les pharaons.

« Cheikh Anta Diop a été un pionnier de la décolonisation de l’Histoire et de la revalorisation de la narration historique africaine. Pourtant, il reste banni des programmes scolaires, et les universités refusent d’aborder ses travaux », regrette Amzat Boukari-Yabara. Le chantier ne serait pourtant pas si pharaonique pour Pap Ndiaye, l’actuel ministre français de l’Éducation nationale, historien des minorités noires et dont le père, Tidiane, était un compatriote et un contemporain de Cheikh Anta Diop.

 

SOURCE : JEUNE D'AFRIQUE

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