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Haïti : comment la France a obligé son ancienne colonie à lui verser des indemnités compensatoires  Source : LEMONDE.FR

Une enquête du « New York Times » retrace l’histoire de la dette haïtienne et explique notamment comment la France puis les Etats-Unis ont exigé l’équivalent de centaines de millions d’euros au petit pays après son indépendance, en 1804.

 

Le 1er janvier 1804, les Haïtiens proclamaient leur indépendance à la suite d’une révolte d’esclaves contre les colons français. Deux siècles plus tard, Haïti figure parmi les pays les plus pauvres de la planète. Une situation souvent mise sur le compte d’un Etat défaillant et d’une corruption endémique. La misère persistante qu’elle endure est pourtant, en très grande partie, le fait d’interventions extérieures. C’est la conclusion d’une enquête (également disponible en version française) menée pendant treize mois par des journalistes du New York Times.

A travers une série de cinq articles, publiés dans le journal américain qui retrace l’histoire de la dette haïtienne, révèle en détail qui en a tiré profit et explique comment elle continue d’affecter le pays. Avec, en toile de fond, cette question : et si le pays n’avait pas été pillé depuis sa naissance par des puissances étrangères et par ses propres dirigeants ?

 

Tout au long du XIXe siècle, les esclaves affranchis haïtiens ont été contraints de payer une dette à leurs anciens maîtres français. Un paiement exorbitant qui a condamné la jeune nation à la pauvreté et à un sous-développement chronique.

Petit rappel de la chronologie des événements : en 1791, les esclaves de Saint-Domingue, colonie française des Antilles se révoltent dans l’île et abolissent l’esclavage.

 

En 1802, Bonaparte envoie une expédition militaire pour écraser la révolte.

En 1804, les esclaves repoussent les Français et proclament l’indépendance de l'île qui devient Haïti.

Le 17 avril 1825, une flotte de navires français arrive au large de Port-au-Prince. L’escadre menace l'ancienne colonie d’un blocus et d’une intervention militaire. Après de longues négociations, un accord est finalement trouvé : Haïti devra payer une somme à la France pour qu’elle tienne ses navires éloignés.

Une île ravagée par la guerre

Le montant fixé par la France de Charles X est astronomique : 150 millions de francs-or, soit 10 fois le budget annuel du petit Etat. Mais Haïti n’est plus “la colonie la plus riche du monde" d’avant la Révolution.

La jeune république d'Haïti n’a pas les moyens de payer une telle somme. Elle est contrainte d’emprunter à des taux d’intérêt très élevés… et à des banques françaises : "Non seulement Haïti doit s'acquitter de cette somme, mais également de taux d’intérêt prohibitifs qu’implique l’emprunt qui va avec. C’est une mise sous sujétion économique d’une colonie qui a osé se révolter. Même si n’est plus une colonie, mais on fait tout néanmoins pour qu’elle demeure dans la misère.

Pour payer cette dette, Jean-Pierre Boyer, chef suprême de la nation, lève de lourds impôts.

Une nation plongée dans le sous-développement
La dette assèche les finances de l’île qui investit ce qui lui reste dans des forts militaires, pour faire face à la menace d’une invasion française…

De l'argent que le gouvernement aurait pu utiliser dans des infrastructures vitales pour le développement de l'île.


Frédérique Beauvois : "Ce qui est important à souligner aussi, c’est l'embargo qu'il y a eu sur Haïti pendant des décennies. Ils ont dû vivre en vase clos. Quand vous voyez une photo satellite de la République dominicaine , ce n’est pas la même couleur. Haïti a dû vendre son bois pour survivre, s’est chauffée grâce à ce bois, a vécu en autarcie pendant des décennies. Leur environnement a été fortement dégradé du fait de cet embargo."


En 1838, Louis-Philippe, moins dur que Charles X, accepte de réduire la dette de 150 à 90 millions de francs-or dans un accord nommé “Traité de l’amitié”.


L’argent haïtien sert à dédommager les grands propriétaires français de l’ex-colonie, mais une partie va également dans les caisses de l’État français. Le reste est capté par des banques via des emprunts toxiques.

 

 

Haïti termine le paiement de cette dette en 1888 et les intérêts ne seront complètement remboursés que dans les années 1950.

En 2001, le président Aristide évoquait un manque à gagner total de 21,6 milliards pour Haïti, soit quasiment deux fois le PIB annuel de l’île aujourd’hui.

Selon l'enquête du New York Times, ce montant serait réaliste, voire sous-estimé.

De l'avis des historiens, le paiement de cette «double dette», sans en être la seule cause, aura pesé très lourd sur la situation catastrophique du pays. C'est, on imagine, ce à quoi pensait le président Sarkozy en se référant à Charles X et en parlant de responsabilité «au nom de la France». Bien sûr, la démarche de l'homme politique n'égalera jamais la générosité gratuite dont le peuple français a fait montre pendant le tremblement de terre du 12 janvier. On ose tout de même espérer que ce curieux exercice de «repentance» ne vise pas qu'à positionner la France sur le marché de la reconstruction d'Haïti qui s'ouvre le 31 mars prochain à New York.

Source : Le Journal Libération

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