Jean-Bertrand Aristide, né le 15 juillet 1953 à Arniquet (Port-Salut), ville côtière du sud d'Haïti, est un prêtre défroqué et homme d'État haïtien. Il a été à plusieurs reprises président de la République d'Haïti : en 1991, de 1993 à 1994, puis de 1994 à 1996, et finalement de 2001 à 2004 avant son départ en exil le 29 février 2004 à la suite d'un coup d'État.
Né dans la ville côtière de Port-Salut, au sud d'Haïti, dans une famille d'agriculteurs possédant leur terre1, Jean-Bertrand Aristide reçoit son éducation primaire chez les salésiens à Port-au-Prince, puis son éducation secondaire au collège Notre-Dame de Cap-Haïtien avant d'entrer en 1974 au noviciat salésien de La Vega en République dominicaine. Il est de retour à Port-au-Prince l'année suivante, où il suit une classe de philosophie au grand séminaire Notre-Dame. En 1979, il obtient une licence de psychologie à l'université d'État d'Haïti. Il est ordonné prêtre le 3 juillet 1982.
Inscrivant sa démarche dans la théologie de la libération qui met l'accent sur la justice sociale, il devient l'un des représentants les plus visibles d'un mouvement de communautés ecclésiales de base appelé Ti Kominotés Légliz (TKL). L’archevêque de Port-au-Prince, proche du régime Duvalier, décide de l'éloigner en l'exilant tour à tour en Italie, en Israël, au Canada et en Grèce. Il revient définitivement dans le pays le 5 janvier 1985. Il fonde un orphelinat, la Fanmi Selavi, afin de venir en aide aux enfants des rues.
Depuis son église, dans une banlieue déshéritée de la capitale, il dénonce les élites économiques du pays, l’impérialisme de Washington (« plus dangereux que le sida ») et le « macoutisme » hérité du régime Duvalier. Le 11 septembre 1988, il réchappe du massacre de l'église Saint-Jean-Bosco dont il a la charge, causé probablement par d'anciens macoutes, au terme duquel on décompte au moins 13 morts et environ 80 blessés.
Jean-Bertrand Aristide est choisi comme candidat pour l'élection présidentielle de 1990 par le Front national pour le changement et la démocratie (FNCD), qui regroupe 15 organisations de centre-gauche, bien que Victor Benoît, dirigeant du KONAKOM ait un temps été pressenti. Il s'agit alors pour lui de barrer la route à Roger Lafontant, ancien chef des macoutes et ministre de l'Intérieur puis de la Défense sous le règne des Duvalier, qui avait annoncé sa candidature.
Les mesures qu'il propose dans son programme électoral consistent à soutenir l'industrie et l'agriculture, à viser l'autosuffisance alimentaire par une réforme agraire, à lutter contre la contrebande dans les ports, à réorganiser l'administration et à augmenter le salaire minimum.
Le 16 décembre 1990, après le retrait de son adversaire initial Roger Lafontant, il remporte l'élection présidentielle dont la régularité est contrôlée par des observateurs de l'OEA avec 67,48 % des voix contre le candidat de droite Marc Bazin (14 %), ancien fonctionnaire de la Banque mondiale qui avait les faveurs des États-Unis. Son adversaire avait reçu près de 36 millions de dollars de la NED, organisme lié à la CIA créé pour interférer dans les processus électoraux afin d'y soutenir les candidats pro-américains. Il est investi le 7 février 1991. Une conférence internationale réunie en juillet de cette même année promet à Haïti un financement de 400 millions de dollars.
Malgré son élection, sa présidence est immédiatement instable : il n'a le soutien ni de l'élite, ni de l’armée, ni de l’Église, ni des États-Unis. Ces derniers lui paraissent constituer la menace la plus importante en raison de l'invasion de la Grenade (1984), du Panama (1989) et de leur soutien à des groupes paramilitaires au Nicaragua pour y déstabiliser le gouvernement. En outre, la chute de la dictature entraine des actes de vengeance contre d'anciens tortionnaires que son gouvernement ne parvient pas à contrôler. D'anciens macoutes sont ainsi assassinés par la population, contribuant au climat d'instabilité politique en dépit des tentatives d'Aristide de faire cesser ces lynchages.
En économie toutefois, la fin de la corruption institutionnalisée permet aux entreprises publiques, traditionnellement en déficit, de réaliser certains bénéfices. Dans le secteur privé, Aristide demande aux patrons d’augmenter les salaires de leurs ouvriers, ce qui l'entraine dans un conflit avec eux. Aristide est confronté à une virulente campagne médiatique dirigée contre lui et financée par l'Usaid et la NED, organismes proches du gouvernement des États-Unis. Il est victime d'un coup d'État le 30 septembre 1991, marquant le rejet du nouveau président par l'armée et par les élites économiques traditionnelles. Il est contraint à l'exil tandis que le commandant en chef de l'Armée, le lieutenant général Raoul Cédras prend le pouvoir. Une répression sanglante s'abat sur les secteurs favorables au président déchu. Trois cent mille personnes fuient leur maison pour se réfugier ailleurs dans le pays, des dizaines de milliers rejoignent la République dominicaine et dix mille tentent d'atteindre les États-Unis, mais plusieurs centaines d'entre elles meurent durant la traversée et plus de huit mille sont interceptées par les garde-côtes.
Aristide demeure cependant reconnu internationalement.
Les États-Unis, dirigés par le président George H. W. Bush, adoptent une attitude en apparence contradictoire. Ils prennent immédiatement des sanctions financières et commerciales contre Haïti en exigeant le retour de la démocratie et sont suivis le 8 octobre 1991 par l'OEA. Paralysé dans un premier temps par l'opposition de la Chine, le Conseil de sécurité de l'ONU décide d'un embargo contre Haïti en juin 1993. L'effet de ces sanctions, qui dureront trois ans, sur les conditions de vie de la population haïtienne est « tragique ». Pourtant, le chef de poste de la CIA John Kambourian fait livrer à ses relais Emmanuel Constant et Louis-Jodel Chamblain des caisses d'armes et de munitions qui permettent d'organiser le groupe paramilitaire FRAPH. Entre quatre et cinq mille personnes sont assassinées par ce groupe.
Aristide vit en exil jusqu'au 15 octobre 1994, date à laquelle l'armée, confrontée à une intervention internationale sous l'égide des États-Unis, accepte de le laisser revenir. Il revient à la présidence, et malgré sa popularité auprès des masses, échoue à trouver des solutions efficaces aux problèmes économiques et aux inégalités sociales du pays. Il quitte le pouvoir en 1996, la Constitution lui interdisant d'effectuer deux mandats consécutifs.
En 1997, Jean-Bertrand Aristide forme un nouveau parti politique, la Famille Lavalas et, en 2000, il est à nouveau élu président. L'opposition boycotte les élections et des soupçons de fraude électorale poussent la communauté internationale à demander la tenue de nouvelles élections, Jean-Bertrand Aristide est investi en février 2001.
Un coup d'État échoue en juillet 2001 mais, au cours des années suivantes, l'opposition ne fait que s'amplifier. Jean-Bertrand Aristide fuit le pays en février 2004 au milieu de manifestations anti-gouvernementales qui se transforment en véritable révolution. En mars 2011, alors que s'organise le second tour de l'élection présidentielle haïtienne, il rentre dans son pays après sept ans d'exil en Afrique du Sud.